La Grande Sécu vue par le HCAAM

La Grande Sécu vue par le HCAAM

Le scénario 2 du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie prévoit de supprimer le ticket modérateur sur toutes les consultations.

Le projet de  Grande Sécu suscite beaucoup de remous au  sein des assureurs complémentaires maladie. Selon les travaux en cours du  Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (Hcaam), l’assurance santé pourrait voir son rôle réduit à la prise en charge des dépassements.

Le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie n’a pas achevé ses travaux sur l’articulation entre assurance maladie obligatoire et assurance maladie complémentaire. Son avis et son rapport sont attendus  pour la fin octobre ou le début novembre. Mais les documents  provisoires qui ont été examinés lors de la séance plénière du 23 septembre montrent que les réflexions sont bien avancées. Le HCAAM a affiné les quatre scénarios de réforme qu’il compte présenter, parmi lesquels  le scénario 2 ou « scénario d’extension du champ d’intervention de la Sécurité sociale ». Et comme lui a visiblement demandé le ministre de la Santé, c’est le scénario sur lequel s’attarde le plus le projet d’avis du HCAAM.

Plus généralement désigné sous le terme de Grande Sécu, ce projet de réforme soulève inquiétudes et colères au sein des organismes complémentaires d’assurance maladie (Ocam). Pour le HCAAM, il « revient en quelque sorte à généraliser le dispositif des ALD à l’ensemble des patients et des prises en charge ». Autrement dit étendre à toute la population le remboursement à 100 % réservé aujourd’hui aux patients atteints d’affections de longue durée.  Et d’ailleurs, dans ce cas de figure, « l’exonération n’aurait plus lieu d’être et serait supprimée ».

Supprimer les tickets modérateurs

Les avantages de ce scénario seraient en substance de rendre le système plus juste – tant du point de vue du financement que de l’accès aux soins – ; plus simple et moins coûteux : « L’AMO intervenant comme assureur unique pour un champ plus large des dépenses ce qui rendrait aux ménages sous forme d’augmentation de leur pouvoir d’achat une fraction importante des charges de gestion des complémentaires (qui représentent 7,6 Md€ en 2019). » En quelque sorte une réponse aux vives critiques formulées par la Cour des comptes
Très concrètement, « tous les tickets modérateurs seraient supprimés et pris en charge par la Sécurité sociale », y compris pour les médicaments. L’assurance maladie rembourserait également les différentes participations demandées aux patients hospitalisés, à savoir le forfait de 24 €, le forfait journalier hospitalier ainsi que le futur forfait de passage aux urgences de 18 €.

Le panier de soins du 100% santé

A contrario,  les contrats santé pourraient prendre en charge la chambre particulière ainsi que les dépassements d’honoraires. Leur remboursement par la Sécu à leur niveau actuel « paraît inconcevable » car « une telle évolution conduirait à des disparités injustifiables entre les honoraires remboursés par l’assurance maladie », estime le projet d’avis, qui plaide pour une « remise à plat des rémunérations des professionnels libéraux ».

Concernant l’optique, le dentaire et les audioprothèses, le HCAAM préconise dans ce scénario 2 de caler les remboursements sur le panier de soins du 100 % santé, à savoir classe I pour les audioprothèses, classe A pour l’optique et panier du 100 % santé ou tarifs maîtrisés pour le dentaire. De fait, il laisse a priori un espace relativement important à la complémentaire au regard des taux de recours actuels à ces paniers.  Le HCAAM estime pourtant que l’activité de la complémentaire s’en ressortirait fortement puisqu’il évoque les conséquences d’un tel scénario sur les salariés des Ocam.

Hausse des prélèvements obligatoires

Reste la question du financement. Le HCAAM note que « le basculement dans le champ de l’AMO aurait pour conséquence une hausse des prélèvements obligatoires (PO) dans le contexte d’un taux de PO déjà très élevé en France ». Plusieurs transferts en direction des recettes de l’assurance maladie sont évoqués – cotisations patronales, CSG, TVA – et par ailleurs la mise en œuvre d’un tel scénario conduirait à ce que la réglementation des Ocam pourrait être « largement allégée » : fini l’obligation de couverture de l’employeur, fini les contrats Madelin, fini les exonérations sociales et fiscales ! Si le HCAAM ne chiffre pas l’économie de ces allégements, la Cour des comptes a évalué à plus de 10 M€ les aides publiques à la complémentaire santé.

Les chiffrages des financements des différents scénarios sont en cours et devraient être abordés en octobre. Mais lors des dernières Journées du courtage, le directeur général de la Fédération française de l’assurance (FFA)  Franck Le Vallois  n’a pas manqué d’insister sur ce point : « Il faudra bien que quelqu’un paye ! Les Français veulent-ils être taxés pour financer cette nationalisation, sans pour autant pouvoir choisir leur niveau de couverture ? Cela ressemble fort à Cuba sans le soleil. »

Les trois autres scénarios

  • Scénarios 1 : Seuls sont apportés des aménagements à un système qui conserve son architecture actuelle, avec le souci de ne pas renforcer la complexité. Sont notamment évoquées la forfaitisation de la participation financière  à l’hôpital et l’amélioration de la situation des salariés précaires;
     
  • Scénario 3 : La complémentaire santé deviendrait  service d’intérêt économique général et ainsi obligatoire pour toute la population, mais « les opérateurs  interviendraient désormais dans le cadre d’une mission qui leur serait confiée par l’État »;
     
  • Scénario 4 : La fin du co-paiement fait de la complémentaire une assurance supplémentaire prenant en charge un panier de soins différent de celui la Sécu, constitué de l’optique, du dentaire, des audioprothèses et des dépassements. Le panier de soins public serait remboursé à 100 %.

François LIMOGE

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